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Peur, qui es-tu ?

Article publié le 23 juin 2020 (mis à jour le 16 novembre 2023) - 0 commentaires
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La peur fait partie des émotions primaires, c’est-à-dire des émotions les plus archaïques que nous partageons avec l’ensemble des mammifères vertébrés.

La peur fait partie des émotions primaires, c’est-à-dire des émotions les plus archaïques que nous partageons avec l’ensemble des mammifères vertébrés.

Le mot « émotion » vient du latin « exmovere » qui signifie

« se mettre en mouvement ». Une émotion, quelle qu’elle soit à cette fonction centrale et primordiale de nous signaler, de nous alerter, de nous bousculer de l’intérieur pour déclencher en nous un mouvement nécessaire, voire indispensable pour notre vie ou notre survie.

Les émotions sont intelligentes : elles sont là pour nous murmurer, nous dire ou nous hurler un message impérieux de réaction, d’adaptation, pour notre bien-être.

Le message de la peur est très évident, très clair : la peur annonce un danger. Réel ou imaginaire. Fantasmatique ou par anticipation. Quelle qu’en soit l’origine, lorsque la peur est là, elle nous signale une menace et nous prépare à une réaction. La peur met nos sens en alerte. Nous centrons notre attention, toute notre attention, nous mobilisons notre énergie, nous sommes pleinement là, pleinement conscient et vigilant à notre environnement.

La peur est notre allié. La peur déclenche la sécrétion d’adrénaline, et de tout un ensemble d’hormones qui nous donne de la force, du courage pour surmonter les obstacles. Sans peur nous serions si vulnérables. Imaginons-nous un instant une vie sans peur… Oui, la peur dans sa fonction primaire nous rend plus fort, plus attentif, plus créatif, plus adaptatif et non plus faible.

ET QUAND LA PEUR NOUS PARALYSE…

La peur peut se retourner contre nous, nous empêchant d’avancer, nous obligeant à chercher à tout contrôler, nourrissant, parfois nuit et jour, des anticipations anxieuses sur la vie et son devenir. Peur des autres, peur de ne pas être à la hauteur, peur de ne pas être aimé, peur de nous tromper, peur de vivre, peur de mourir… La peur quand elle nous court-circuite devient un agent majeur de nombreux maux psychologiques et un véritable polluant pour notre fonctionnement.

La  principale  cause  à  ces  dérapages :  nous  n’avons pas suffisamment appris à faire avec nos émotions.

Nous avons bien trop souvent appris à les taire, à les étouffer, à nous en détourner.

« Tu n’as aucune raison d’avoir peur » « tu es un trouillard »

« mais comment as-tu peur de ça ? » Ces messages sont clairs : je ne dois pas avoir peur, la peur c’est nul, je dois tout faire pour déconnecter toute sensation de peur… Et l’enfant apprend peu à peu à enfermer ces peurs et non à les réguler.

Autre écueil : se servir de la peur comme une menace, une pression, un renforcement comportemental.

« Attention si tu ne vas pas te brosser les dents, la sorcière va arriver » « si tu ne fais pas ceci ou cela, la police, le Père Noël, le loup… vont te faire ceci ou cela… » ou encore les menaces de punition plus ou moins effrayantes. Parfois, nous nous sentons tellement démunis avec nos enfants que nous allons utiliser la peur comme moyen de pression. Mais même si à court terme cela peut avoir un effet, à long terme, l’enfant assimile la peur comme une façon de communiquer avec les autres pour obtenir ce qu’il souhaite. Il va aussi, assimiler la peur à un piège à éviter à tout prix plutôt qu’une alliée qui nous aide à nous ajuster, à comprendre notre environnement.

L’URGENCE : L’HYGIENE EMOTIONNELLE

Aujourd’hui, les neurosciences affectives et la psychologie positive confirment cette direction et vont plus loin. Les relations précoces, les réponses de l’environnement aux émotions de l’enfant conditionnent le développement de son cerveau et vont déterminer sa capacité à les élaborer, à les réguler et à les contenir.

Si face à la peur de l’enfant, l’adulte réagit en collage et la réprime, il ne donne pas la possibilité́ à cette énergie de s’exprimer, de se penser et la souffrance peut s’installer. Un environnement qui au contraire sera en miroir, et non

en collage, c’est-à-dire empathique avec cet enfant, mais capable aussi de renvoyer du sens à son ressenti tout en maintenant un cadre sécurisant, d’engager avec lui une recherche de solutions pour le soulager sera le plus favorable à son développement.

Comme nous l’explique le Docteur Catherine Gueguen, Pédiatre et spécialiste des neurosciences affectives, l’environnement est à l’origine de la maturation du cerveau chez l’enfant. Un environnement empathique, soutenant et aimant favorise les connexions synaptiques entre le cortex préfrontal (siège de la pensée) et le système limbique (siège des émotions) et ces connexions sont à la base de la régulation émotionnelle.

JOUER A AVOIR PEUR

Pour apprendre à skier, il faut s’exercer. Pour apprendre à réguler ses peurs, c’est identique. Quand le corps est en jeu, il faut ressentir de l’intérieur.

Avec un environnement étayant et sécurisant, l’enfant va faire grandir un profond sentiment de sécurité, siège de toutes les possibilités, de tous les enjeux, de toutes les prises de risque, de tous les apprentissages. Ce sentiment de sécurité il va falloir l’exercer, le ressentir, l’éprouver.

ALORS, JOUONS !

Jouons à cache-cache, jouons au grand méchant loup, jouons aux sorcières, aux vampires, aux zombis qui dansent tous ensemble à Halloween. Prenons des risques pour vraiment ressentir nos ressources, nos ancrages intérieurs, pour nous rassurer dans notre corps.

Dès tout petit, nous remarquons cette tendance : la peur peut être agréable, nous allons même la rechercher. Sinon, comment comprendre le traditionnel engouement pour le train fantôme et pour ces innombrables histoires d’épouvantes ?

Oui la peur peut être agréable, car comme tout apprentissage, s’y confronter, s’y exposer nous permet de nous rassurer. En y allant, en se jetant dans la gueule du loup, l’enfant va puiser ses ressources au cœur même de son sentiment de sécurité intérieure, et il va en ressortir avec un profond sentiment de jubilation, de compétence et de plaisir.

« YES, I CAN ! »  

La confiance en Soi, en ses ressources, la confiance en la vie s’est renforcée, le jeu en vaut la chandelle ! Éprouver ses forces intérieures, il n’y a rien de plus jubilant !

Mais vigilance, le jeu sera vraiment apprentissage et renforcement des ressources de l’enfant si et seulement si l’enfant a construit un sentiment de sécurité intérieure suffisamment solide pour y aller.

La peur s’apprend par exposition progressive. On n’apprend pas à skier sur une piste noire d’emblée ! Et surtout, on n’apprend pas tout seul ! L’enfant a besoin de l’étayage de l’environnement, encore et encore, et il a besoin de se sentir en position de compétence pour pouvoir se lancer.

« Je suis là, j’ai confiance en toi, j’ai confiance en la vie, et quoiqu’il se passe je ne serai pas déçu, je te prendrai par la main à tout moment et nous avancerons ensemble » 

Le lien est fondateur du sentiment de sécurité intérieure. Se prendre la main, se ressentir profondément en lien avec les autres, sans jugement, sans dénigrement, et voilà la peur qui est déjà moins intense. Cette peur peut alors être considérée,  regardée  en   face,   et   apprivoisée.  Comme le renard dans le Petit Prince !

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