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Les lieux d’apprentissage ont un impact sur le bien-être et les résultats des élèves

Article publié le 14 janvier 2020 (mis à jour le 05 mars 2024) - 0 commentaires
8 minutes
La configuration des lieux d’apprentissage des élèves s'inscrit comme un élément essentiel de leur épanouissement.
Svenia Busson

Svenia Busson

Dirigeante de LearnSpace

Lorsque l’on regarde le monde de manière globale, le bien-être des populations est intimement lié à un environnement de travail favorisant l’expression et l’échange. La configuration des lieux d’apprentissage des élèves s’inscrit donc comme un élément essentiel de leur épanouissement. Pourtant, aujourd’hui encore, trop nombreuses sont les écoles et les salles de classe à rester corsetées dans une même forme.

L’architecture joue un rôle essentiel

Divers lieux d’apprentissage plutôt que la seule salle de classe

Les écoles de demain doivent être pensées pour le XXIe siècle et non se conformer aux modèles du XXe siècle. Cette affirmation résume les recommandations de chercheurs réputés, tels que Laurent Jeannin. Ce maître de conférences à l’université de Cergy-Pontoise est en effet arrivé à la conclusion que, pour apprendre, l’école a besoin de plus d’espaces modulables et dédiés à la créativité. Voire des « tiers lieux », par conséquent extérieurs à l’école, dans des « maker’s lab » et autres « fab lab », offrant aux élèves l’occasion de se lancer dans des projets collectifs.

Ce besoin s’inscrit dans un bouleversement plus vaste, qui est celui des modes de travail en général. Ainsi, même dans les entreprises, l’époque est aux tiers lieux, au travail collaboratif avec des start-up, etc. De telle sorte que plus rien ne s’y trouve figé, afin de favoriser les idées. L’école peut adopter cette même dynamique.

Cette dernière s’éloigne bien sûr des salles de classe figées pour toujours dans 30 m², avec des élèves en rangs d »oignons et un professeur pour seul horizon. Le lieu d’apprentissage (car doit-on encore appeler cela une classe ? Il est possible d’apprendre partout !) doit permettre l’émergence de pédagogies actives qui rendent l’élève acteur et le responsabilisent.

Une vision à long terme des nouveaux espaces

Pour traiter ces problématiques, chercheurs et architectes étudient les besoins des apprenants et la meilleure manière d’y répondre. C’est notamment ce qu’explique le livre Planning Learning Spaces: A Practical Guide for Architects, Designers and School Leaders par Murray Hudson et Terry White. Selon eux, la conception de nouveaux espaces d’apprentissage doit s’appuyer sur les enjeux des prochaines décennies. Il est donc indispensable de réfléchir aux aspects suivants :

● La vision et les valeurs

Que souhaite l’école pour son avenir dans les 5 ou 10 prochaines années ? Quel est son but ? Cette question est fondamentale dans la manière d’aborder la configuration des lieux d’apprentissage, car elle en définit la philosophie. L’équipe dirigeante, les enseignants, et tous les autres acteurs de l’école, à commencer par les élèves et leurs parents, doivent prendre part à ce défi.

● La pédagogie et les activités

Cette seconde étape a pour but de déterminer comment les espaces doivent répondre à une nouvelle manière d’apprendre. Les élèves ont donc toute leur place pour exprimer ce qui leur donne envie d’acquérir des connaissances. Il s’agit notamment de savoir dans quels circonstances et environnements ils estiment être dans une phase d’apprentissage concrète et enthousiasmante.

Sollicités de la même manière, les professeurs doivent quant à eux déterminer les activités et la configuration des lieux qui pourront répondre à ces enjeux.

● L’organisation de l’apprentissage

Vient ensuite la phase de réflexion sur la conception des espaces. Celle-ci se fonde avant tout sur l’enjeu de groupe. Comment celui-ci sera-t-il structuré ? Quel nombre d’élèves permettra de créer la meilleure dynamique d’apprentissage et de créativité ? Et enfin, dans quel cadre : la classe classique, un tiers lieu, en extérieur ?

Comment faire si l’on n’a pas la liberté de faire tout cela ?

Un programme scolaire ne laisse pas forcément cette liberté individuelle, ou alors les moyens manquent cruellement. De la même manière, que faire lorsque les normes de sécurité nous lient les mains ?

Afin de contourner ces freins, voici quelques conseils de Laurent Jeannin pour commencer petit à petit à créer un environnement plus favorable à l’apprentissage créatif :

● Dessiner des espaces propices à la créativité

Quelle que soit la configuration originale des espaces, il est nécessaire de penser au diptyque « innovation et créativité », à la fois pour les élèves, le corps enseignant et l’équipe administrative.

Les élèves doivent avant tout bénéficier d’espaces de créativité pour s’exprimer : notamment par les murs et le mobilier existants. Comment ? En créant des surfaces d’expression horizontales et verticales, par exemple par des murs recouverts de papier Velleda® autocollant pour leur donner la possibilité d’écrire dessus.

Quant aux professeurs, ils doivent bénéficier d’une salle proposant un environnement de travail favorable, au même titre que dans les entreprises qui modifient leurs espaces. Cela se traduit par exemple par la création de petites alcôves avec une isolation phonique. Autre idée intéressante, celle des tables à nombre impair, de 3 à 5 personnes. La recherche a en effet démontré que la collaboration est plus efficace entre 3 et 5 personnes. En parallèle, un espace plus grand peut servir aux réunions d’équipe/de service, en étant plus propice aux échanges.

Il faut donc penser les espaces communs comme des espaces d’apprentissage informels (espaces de circulation, de vie scolaire et périscolaire). Au travers de ces lieux pourra alors se développer un climat scolaire apaisé.

● Les espaces de circulation

Lorsque l’on parle d’espaces, il ne s’agit pas seulement des pièces. Ainsi, dans les escaliers et couloirs, pourquoi ne pas prévoir des espaces d’apprentissage formels et informels ? Bien évidemment, pour y parvenir, l’acoustique est essentielle pour ne pas déranger les cours en classe qui auraient lieu en même temps.

● Concevoir des espaces modulaires

L’innovation réside aussi dans la conception d’espaces modulaires. Avec de simples rideaux ou des paravents, il est possible de créer des mini-espaces pour des petits groupes. La modularité peut aussi se décider selon la temporalité des matières, des travaux et du programme.

3 exemples d’écoles pionnières dans le monde

Les pays d’Europe du Nord sont particulièrement à la pointe sur la création d’établissements, ou la transformation de ceux déjà existants, afin de repenser l’école et la salle de classe ordinaire.

Vittra School, école primaire en Suède

Une école sans salle de classe ? C’est ce que l’école Vittra, par ailleurs gratuite, propose dans ses établissements en Suède. Chaque élève est alors invité à travailler indépendamment, avec l’appui des professeurs. L’école leur confie à chacun un ordinateur qui est leur principal outil d’apprentissage. Enfin, les notes n’existent pas, seule l’évolution compte. Il existe par ailleurs ce que l’école appelle un « village », autrement dit une petite construction favorisant le travail de groupe et l’échange entre les élèves.

Par cette organisation, les créateurs de l’école encouragent les élèves à la curiosité intellectuelle, à avoir confiance en eux. Ils les responsabilisent également, en les plaçant au cœur de leur communauté scolaire. Selon l’ancienne directrice, Jannie Jeppesen, la conception architecturale de l’école leur donne la possibilité de développer leur curiosité et leur créativité.

Saunalahti School à Espoo en Finlande

Le cabinet d’architecture Verstas Architects a conçu l’école Saunalahti à l’ouest d’Helsinki. Fondé en 2012, cet établissement propose une scolarité innovante à travers des salles ouvertes, grâce à des baies vitrées, laissant passer la lumière… et les idées !

Le lieu, qui s’étend sur 10 000 m2 ressemble à une agora faite de vagues et de rondeurs. Et force est de constater que chacun a la parole, parmi les enfants et les adultes. Ainsi, la bibliothèque de l’école reste ouverte au public le soir venu, sans barrières. Les jeunes ont accès librement à des espaces de jeu ou de travaux périscolaires. Là encore, l’école s’inscrit dans une démarche globale d’éducation et d’apprentissage collectif. Ce lieu, par son architecture et ses propositions éducatives, symbolise à lui seul les valeurs de tolérance et d’ouverture au monde.

Frederiksbjerg School, école primaire à Aarhus au Danemark

Déployée sur 15 000 m2, cette immense école est conçue autour d’un atrium, là encore comme une agora où chacun a la faculté de faire valoir ses idées. Les salles de classe n’ont, ici non plus, rien de traditionnel. Les travaux en groupe sont favorisés par la disposition des bureaux, et des cours se déroulent de manière formelle ou informelle sur de petites estrades. Tout est possible et tout est collectif.

Plus encore, l’école est entièrement présente dans son quartier, elle ne s’en protège pas. Elle est alors aussi un repaire pour les habitants des environs et la communauté en général.

Les pays nordistes s’imposent véritablement dans leurs innovations éducatives. En donnant à leurs écoles des configurations différentes, ouvertes, lumineuses, leur système prône l’ouverture et la tolérance. Cela n’a l’air de rien, mais bousculer les codes de l’école, ne serait-ce qu’en bougeant les meubles, peut modifier en profondeur le rapport des élèves avec leur établissement. Celui-ci devient alors un lieu agréable et ouvert vers l’extérieur, non plus une « prison » à horaires fixes.

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