Le digital, une ressource pour améliorer l’éducation ?

Article publié le 21 novembre 2019 (mis à jour le 05 mars 2024) - 0 commentaires
10 minutes
Il apparaît aujourd’hui que le digital est une formidable ressource pour les élèves, mais à condition d’être encadré. Voyons comment et pourquoi.  
Svenia Busson

Svenia Busson

Dirigeante de LearnSpace

Au fur et à mesure que sont arrivés dans les écoles les tableaux numériques et les tablettes individuelles, la question de leur véritable intérêt pédagogique s’est posée. Dans le même temps, une crainte est apparue : quid de l’humain ? De la transmission directe des connaissances et des explications ? Il apparaît aujourd’hui que le digital est une formidable ressource pour les élèves, mais à condition d’être encadré. Voyons comment et pourquoi.

Le digital oui, mais avec de l’humain

Le digital peut-il remplacer des professeurs avec la même qualité pédagogique ? Si l’on en croit les différentes études réalisées jusqu’ici, les professionnels de l’éducation peuvent se rassurer : ils seront toujours, et plus que jamais, nécessaires.

L’apprentissage en ligne ne suffit pas

L’université George Mason, dans la banlieue de Washington, utilise l’apprentissage en ligne – le e-learning – de manière soutenue, en parallèle des cours traditionnels. L’université s’est justement intéressée de près à l’impact d’un apprentissage purement en ligne. L’objectif était de savoir si les cours en e-learning sont ou non une solution alternative concrète à un enseignement classique, particulièrement coûteux aux États-Unis.

Pour cela, l’université a effectué une méta-analyse et examiné plus de 100 études sur l’apprentissage en ligne, afin de déterminer s’il était à la hauteur de ses promesses.

Selon l’étude, le principal inconvénient des cours en ligne rejoint directement les performances ou l’origine sociale des étudiants. Ainsi, les cours à distance entraînent de mauvais résultats surtout lorsque :

  • leurs revenus sont faibles ;
  • ils sont d’une origine sociale sous-représentée.

Ces étudiants sous-performent systématiquement lors des cours en ligne et ont un taux de réussite inférieur aux devoirs et examens.

L’interaction est fondamentale dans le digital

La plus grande faiblesse de l’éducation en ligne – et l’une des principales raisons pour lesquelles les employeurs, les étudiants et les professeurs n’en ont pas encore une bonne image – est le manque d’interaction entre les professeurs et les étudiants.

La question de la pertinence des cours en ligne ou à distance n’est pas nouvelle. Dès les années 80, des études étaient menées sur le sujet : « La théorie de Holmberg (1989) pose la formation à distance comme un modèle éducatif qui permet et facilite l’autonomie éducative. Son hypothèse concerne donc essentiellement un public adulte faisant preuve d’une grande motivation[1]. » À cette époque, il s’agissait déjà de montrer que les cours à distance – à base de documentation envoyée chez les apprenants – ne pouvaient fonctionner que chez des étudiants matures et motivés. Et plus généralement, chez d’autres chercheurs, qu’un cursus complet à distance ne peut pas bénéficier de la même valeur d’apprentissage, à moins d’avoir en parallèle des interactions régulières avec des professeurs.

L’interaction est essentielle en plus du digital car elle apporte des points de vue différents et ouvre à de nouvelles réflexions. Pour apprendre, en particulier chez les plus jeunes, les cours doivent être engageants et motivants. C’est la condition sine qua non à un esprit ouvert à la connaissance et à la possibilité d’avancer. Il est donc important de concevoir une meilleure expérience d’apprentissage en ligne grâce à une communication directe et significative. Cela améliore, de fait, la qualité du cours et développe la satisfaction, l’apprentissage et les bons résultats des étudiants.

Les élèves ont en effet besoin d’un feed-back régulier et de vive voix pour déterminer leur marge de progression et se sentir considérés. Le digital est alors un outil d’apprentissage formidable et infini, mais il n’est pas son socle.

Interactif, engageant, avec du présentiel : le digital est formidable !

Faut-il forcément apprendre en présentiel pour réussir sa scolarité et ses études ? Le digital et les cours en ligne peuvent-ils suffire à achever un cursus avec les mêmes connaissances ?

Mixer les deux avec le blended learning

Être seul dans son coin pour apprendre, avec des outils digitaux, peut éventuellement convenir à certaines personnalités. Mais les différentes études réalisées depuis une vingtaine d’années tendent à prouver que ce n’est ni le présentiel pur, ni le seul support pédagogique en ligne qui suffisent à créer une dynamique d’apprentissage vraiment épanouissante. Pour y parvenir, il faut mixer les deux ! C’est ce que l’on appelle le « blended learning ». Très à la mode dans les formations professionnelles actuelles, cette méthode est aussi applicable dans le cadre scolaire et en études supérieures.

Cela consiste à proposer une partie des cours en ligne et une autre partie en présentiel. Le dosage de chacune des méthodes se fait en fonction des besoins et des cursus. Car l’avantage de ce procédé est avant tout sa flexibilité. Ainsi, la répartition des cours en présentiel et en ligne est déterminée en amont, mais chaque élève peut choisir de travailler à son rythme. Avec le support digital, il peut avancer aux horaires qu’il souhaite. Lors des cours en présentiel – en face à face ou en visioconférence -, il peut alors interagir avec ses professeurs, obtenir des explications sur certains exercices (comme le flipped classroom où les élèves travaillent seuls sur un exercice avant d’avoir des explications en classe) et approfondir des thématiques.

D’excellents résultats

Cette méthode produit d’excellents résultats, admis dans le monde entier. Grâce au digital, les étudiants et les élèves gagnent en motivation – notamment par une certaine part de « gamification » rendant les cours ludiques. Et, dans le cadre du présentiel, ils obtiennent le feed-back nécessaire à leur progression personnelle.

Garder une part de présentiel est important pour que les élèves maintiennent un lien avec leur cursus et leur école. Et, plus généralement, ce mix de supports et d’apports pédagogiques peut justement valoriser les établissements scolaires qui créent ainsi un écosystème à 360°. Les apprenants y sont à la fois autonomes et soutenus.

Exemples de bonnes pratiques

Dans le monde, différentes initiatives à plus ou moins grande échelle ont vu le jour ces dernières années. La France n’échappe pas à cette déferlante qui fait du blended learning un procédé efficace pour l’apprentissage et la confiance en soi.

Du présentiel à distance avec Acadomia pour l’enseignement secondaire

Acadomia s’est lancé il y a peu dans le e-learning et le blended learning, avec sa plateforme A.LIVE. Ici, la phase présentielle se déroule en visioconférence avec les professeurs et les élèves du même cours.

Cette méthode est fondée sur la pédagogie active qui rend l’élève acteur de son apprentissage au travers de mises en situation. L’apport du digital, ajouté à celui des professeurs, est donc très important pour obtenir les meilleurs résultats et encourager l’apprenant dans une démarche volontariste. Avec des quiz, des vidéos, les cours deviennent tout de suite plus « fun » et donc plus simples à intégrer. Pour Acadomia, il s’agit de procurer aux élèves la bonne dose d’émulation en groupe, en gommant la frontière qui les sépare habituellement des professeurs. Chacun trouve ainsi sa place dans le groupe, même à distance.

Minerva School pour l’enseignement supérieur

Minerva School est intégrée au Keck Graduate Institute (KGI), une université située en Californie. Mais cet établissement innovant donne des cours exclusivement en ligne. Inclusive, elle vise à apporter la connaissance aux étudiants dans un but affiché : leur donner toutes les clés pour avancer dans ce monde incertain et devenir des leaders éclairés.

La plateforme fonctionne ainsi en e-learning, en visioconférence, et propose un cursus pour les étudiants en licence (undergraduate américain). La première année est celle dédiée aux soft skills, les étudiants apprennent à penser de façon créative, critique, à mieux communiquer et collaborer. À partir de la deuxième année, les étudiants choisissent leur spécialisation : IT, business, sciences sociales ou sciences naturelles, à eux de choisir. À part ça ? Les étudiants voyagent sur tous les continents pendant leur cursus et restent 6 mois dans chaque pays, où ils habitent avec toute leur promo dans des immeubles loués pour l’occasion. L’émulation intellectuelle est alors constante.

Ainsi, grâce à leur classe virtuelle, les étudiants suivent 12 h de cours par semaine avec des profs renommés du monde entier. Cela leur permet de voyager et travailler dans 6 pays différents. Leur planning se partage ainsi entre leurs cours, des stages et autant de rencontres et d’enrichissement culturel.

La pratique du digital à l’école et en études supérieures apporte aux enfants et aux jeunes un véritable appui. Lorsqu’il est bien utilisé, qu’il permet de grandir avec des idées nouvelles et un esprit ouvert, il motive et rend plus curieux. Mais tous ces avantages peuvent ne servir à rien, ou à si peu, lorsqu’ils éloignent les élèves des autres. Pour que le digital soit un bel outil d’apprentissage, il doit être accompagné par l’échange et la parole humaine, même à distance. Ensuite, il devient un moyen d’échanger et de se retrouver autour d’un même projet interactif. Pour les élèves et les étudiants, le digital est omniprésent, alors tâchons de le rendre accessible, intelligent et ludique.

[1] Perez Fragoso Carmen, « À propos des analyses des cours en ligne », Les Enjeux de l’information et de la communication, 2007/1 (Volume 2007), p. 77-80.

Cet article vous a intéressé ?
Laissez-nous un commentaire